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[Fiction] Ou-Topos


Kimory
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Vous pouvez voir un peu n'importe quoi dans ce(s) texte(s). Une histoire suivie, des fragments d'une même histoire, ou juste des élucubrations. Ca a un sens et un fond pour moi, donc j'espère que ça en aura aussi un pour vous, quitte à ce qu'il soit différent.

Entre crochets, c'est le narrateur du passage qui est précisé o/

 

A noter que j'ai commencé ça il y a un moment. Je garde l'univers à coeur, donc je vais peut être finir par le reprendre et continuer sérieusement x) En plus ça a un peu nature de premier jet. Donc il risque d'y avoir des incohérences au fur et à mesure, en espérant que vous ne m'en teniez pas trop rigueur, ça reste très expérimental !

 

 

 

***

 

« Sur les sentiers de l'Utopie

Règne une inconstance parfaite

Un chaos de démesure

Sublimant sa propre forme

Se recréant jour après jour

Y ont accès les Dieux, les Insensés,

Et tous les incertains

Dont l'âme flotte dans les limbes

Entre deux-famélique

Comme une feuille de vent

Abandonné même par les rêves ».

 

[ Narcisse ]

Où que je regardais, l'horizon ceinturé de lumière rampante me polluait l'esprit. Et je devais me dévisser le cou pour atteindre l'éclat fatidique des étoiles, des rares astres qui brillaient au sommet de la voûte céleste. Les seules assez vives pour que leur énergie perce la mélasse jaunâtre du ciel, l'empêchement du rêve. Combattantes de l'infini.

 

La brise douce caresse le moindre carré de peau à nu, délicat soir d'automne venant se nicher jusque dans le cou, la gorge blafarde de lune. Ta présence diffuse dans cet obscur monde d'argent se fait mouvance discrète à mon côté, pas glissant. Tu as les lèvres entrouvertes comme pour humer le souffle du monde, et tu charges l'espace de paroles silencieuses, murmure inconscient des sens muets. Vague colline, plateau presque, éminences à perte de vue et pentes douces vers les vallées embuées de songes, hantées par le vent. Et surtout le silence, vaguement rompu parfois par les grattements discrets et furtifs de quelque créature noctambule ou de quelque fantôme passant dans la contrée recluse.

 

C'est à ces heures du cœur de la nuit que s'ébattent les présences de l'au delà, les consciences à appeler, et tous les songes abandonnés des dormeurs alanguis. Traces indécentes de tous ceux qui donnèrent un peu de la chaleur de leur corps à l'âme de ce sanctuaire de Nulle-Part. Un espace hors du temps ; une utopie mouvante et frêle, bulle de cristal fébrile assemblée à l'envi.

 

Mes pas cessent d'eux-mêmes, la contemplation m'invite dans ses dédales. Immédiatement tu gagnes l'immobilité de la pierre, compagnon de voyage trop parfait. Quelques mots te briseraient, te dénatureraient jusqu'aux profondeurs ; tu n'es pas un être de rébellion, tout au plus peut-être une de ces ombres sages qui s'attachent aux pas des idéalistes. A la manière d'un appel mourant, tu me tapotes l'épaule, attire mon attention vers un point indéfini dans le lointain hasardeux.

 

Je peine à comprendre ce que tu veux me montrer, et m'arme de persévérance. Tu sais que tes appels ne demeureront jamais incompris ; c'est pour cela que tu restes à mes côtés, et pour sucer en sourdine les faibles rythmes de mon existence, nécessaire à la perpétuation des battements de ton âme.

Mais je me sentais parfois lasse de tes devinettes ; j'avais le sentiment que tu te moquais de moi. Tu te jouais des vagues et nauséeuses rémanences de raison qui m'attaquaient quand d'aventure, mon esprit trébuchait dans une des aspérités du continuum trop léger dans lequel nous nous éternisions. Les lourdeurs terrestres menaçaient alors de me rappeler dans un ailleurs que je préférais oublier, et tu avais cette bonté sarcastique de me ramener. Pour me récupérer, il te suffisait d'un murmure, d'une pichenette, quelquefois d'un signe.

 

Je soupirais.

« Tu m'agaces, Deus. »

« Je sais, Narcisse. »

 

Dans notre monde sans substance, les voix n'ont plus de timbre, elles ne sont que purs sens échangés, sans aucune forme. Elles ne sont que compréhension qui sourd, dans l'arrière du crâne.

Le fait que je traduise en mots prouvait que j'essayais encore de faire sens.

Pour qui, au juste ?

 

Ceux qui sont libres n'ont guère besoin de ces mots ; et ceux qui meurent en cage ne peuvent pas les lire.

 

 

[ Deus ]

Un œil me regarde depuis un remous du Noun, pendant un faible instant. Je recule, apeuré ; un véritable bond en arrière. Mon visage muet se tord fugacement en un hurlement inaudible. Narcisse se porte plus près de mon cœur, tendant sa présence pour mieux déployer mon image.

 

« Tu viens trop souvent ici, Deus. Le Noun se venge... Il finira par te dévorer. »

 

Je secouai la tête. Je le savais. Mais son appel était beaucoup trop puissant. Cet œil n'était que l'énième menace d'une épreuve inéluctable. Je me léchai les lèvres, y récoltant les dernières perles sucrées, croquantes comme des billes de diamant. Elle me regarde sans rien dire. Je suis encore agenouillé au bord du Noun, peinant à en détourner le regard. J'écoute le murmure du courant et contemple sa teinte pourpre-ambrée.

 

Mais Narcisse s'approche, effleurant la ligne que je trace pour elle à chaque fois. Les créatures comme elle n'ont pas à être effrayées du Noun. Pas directement, non ; mais par mon influence ? Il y a ici de ces pouvoirs et de ces échanges qui dépassent la volonté et le contrôle de chacun. Je me relève brusquement, énervé. Elle le fait toujours. Pour que j'aie peur, pour que je revienne. Alors je reviens. Je lui jette un regard noir, mais je suis là, et la gratifie d'un courant d'air. Je ne peux pas même dire que je lui effleure la main, encore moins que j'essaye de la frapper, de la pincer. Je n'ai pas assez de matière pour cela. Et cette créature blafarde et apeurée ne saurait me conférer assez de présence, assez de chaleur, ultime preuve de l'existence – je demeure un entre deux.

 

Elle repart et je la suis un moment... Comme en souffrance de m'éloigner de mon élixir de vie, que je sens me donner des forces. Je rayonne, littéralement.

 

« Calmes toi, Deus. Tu m'éblouirais presque. Tu as trop bu. »

 

J'affichai une mine boudeuse. Oui, j'avais trop emprunté au Noun, aujourd'hui, et elle le sentait mieux que n'importe lequel des Rêves qui tachaient de me bouffer la particule. Des petits éclats de cristal d'âme m'assaillaient, voulant m'arracher aux petits bouts de moi. Je chassai ces parasites d'un coup de main fatigué, mais ils revinrent à la charge, lucioles fluorescentes dans la nuit. Les griffes minuscules hérissant leurs pattes noires me chatouillaient.

 

« Ca suffit ! »

 

La langue acerbe dans laquelle Narcisse parvenait parfois à s'exprimer résonna, et les petits éclats de rêve se détachent de moi, cessent de me pomper le sang translucide, de boire à la faille de mes entailles la pitance divine, réservée censément aux esprits purs. Les gens, ce soir, feront de drôles de rêves...

 

Ils s'éparpillent et se regroupent comme un essaim, s'intéressent un instant à elle. L'un se greffe, taille sur son épaule blanche... tous s'effrayent du filet rouge qui s'en échappe. Ces rejetons là ne boivent pas de ce vin, et je peux sentir dans l'air, émanant d'eux, une forme inconsciente de dégoût paniqué.

 

« Saletés » Commente-elle encore, ignorant la blessure. « Ça va ? »

 

Je haussai les épaules. « J'ai vu pire. »

Je frottai mes plaies, qui me grattouillaient en guérissant. Ma nature divine semblait s'être augmentée momentanément... Rare effet du Noun, qui a le plus souvent tendance à pervertir. A nuire. Je finis par demander, pas sûr d'être entendu.

 

« Et où allons nous ? »

« En voyage... »

 

Un voyage ? Ce n'était qu'une chimère. S'éloigner de l'océan, c'était plonger dans la mélasse, les limbes, les âmes ; et tous les labyrinthes que la Création même a oubliés. Là où l'éternité n'est qu'un instant.

 

•••

 

Dans un monde qui change perpétuellement de configuration, il est difficile de trouver son chemin.

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